Sujet âgé : Prendre plaisir pour mieux manger
Le plaisir alimentaire chez les sujets âgés dépendants encourage une bonne alimentation
Bien vieillir suppose que soit maintenue le plus longtemps possible une prise alimentaire qui réponde aux besoins nutritionnels du corps vieillissant sans pour autant oublier les besoins hédoniques des personnes. L’avancée en âge amène les personnes à déléguer tout ou une partie des activités culinaires à un tiers. Cette « dépossession » alimentaire rend plus difficile l’accès au plaisir alimentaire. Or, le plaisir est fondamental pour le comportement ingestif. Il oriente les apports énergétiques et le choix des macronutriments pour maintenir les fonctions vitales.
Des chercheurs de Tours, Dijon et Angers ont testé une mesure du plaisir alimentaire chez des personnes en situation de dépendance alimentaire afin d’étudier les liens entre le plaisir alimentaire et des données nutritionnelles, psychologiques et sociologiques.
Un questionnaire spécifiquement développé
Pour cela, ils ont recruté 199 personnes âgées vivant à domicile (M = 83.70 ans ± 7.62 ; [65-100] ; 70.9% de femmes) et dépendantes pour leur alimentation (aides pour les courses ou la préparation des repas, service de portage de repas) dans le cadre de l’enquête RENESSENS (Réussir écologiquement une nutrition équilibrée et sensoriellement adaptée pour senior). Ils ont adapté le questionnaire de l’échelle d’expérience temporelle du plaisir (Gard et al., 2006) comprenant deux types de plaisir -anticipatoire et consommatoire – au plaisir alimentaire pour mesurer la capacité hédonique de ces personnes. Le plaisir consommatoire concerne le fait d’aimer les saveurs et les sensations qui accompagnent un bon repas, etc. Le plaisir anticipatoire concerne cette fois le fait d’aimer l’odeur d’un repas que l’on prépare, se réjouir d’aller au restaurant, etc.
La version initiale du questionnaire comporte 16 items : 8 relatifs au plaisir anticipatoire et 8 relatifs au plaisir consommatoire. D’autre part, le statut nutritionnel (Mini Nutritional Assesment), l’appétit (Short Nutritional Assessment Questionnaire), le besoin de contrôle sur son alimentation, les styles de mangeur (viande, dessert, légumes, poisson…), la solitude lors des repas et les symptômes dépressifs (Geriatric Depression Scale) des participants ont été évalués.
Le plaisir à manger diminue chez le sujet âgé
Une analyse exploratoire suivie d’une analyse confirmatoire ont permis de valider l’échelle de plaisir constituée de deux dimensions : plaisir consommatoire (5 items) et plaisir anticipatoire (5 items) avec une consistance interne satisfaisante. Les résultats indiquent une diminution de la capacité à prendre du plaisir à manger chez les personnes âgées. Les deux dimensions du plaisir alimentaire sont liées positivement au besoin de contrôler son alimentation et à l’appétit. Les personnes qui ont de forts scores de plaisir consommatoire sont celles qui ont le meilleur statut nutritionnel, le moins de symptômes dépressifs et qui ne sont pas seules lors des repas.
Enfin, les personnes qui se définissent comme aimant les desserts, les douceurs, les viennoiseries et les fruits sont celles qui ont les plus forts scores de plaisir anticipatoire tandis que les personnes qui aiment le pain, le fromage et les plats élaborées sont celles qui ont le plus fort score de plaisir consommatoire.
Cette étude a permis de valider une échelle de plaisir associée à l’alimentation chez des personnes âgées dépendantes (pour leur alimentation). Même si avec l’âge, il semble bien qu’il y ait une perte de la sensibilité à éprouver du plaisir à manger (anhédonie alimentaire) pour autant, ces résultats démontrent que prendre plaisir à manger peut contribuer et encourager une bonne alimentation et probablement prévenir le risque de dénutrition.
Une mesure du plaisir alimentaire pour les personnes âgées en situation de dépendance culinaire. Communication affichée de Nathalie Bailly JFN Nantes 13-15 décembre 2017 www.lesjfn.fr