Ehpad : prise en compte des besoins non médicaux des résidents
Le manque de formation spécifique du personnel, les contraintes organisationnelles, temporelles ou encore les modes d’évaluation du travail ne favorisent pas la prise en compte des besoins non médicaux des résidents d’Ehpad, en particulier au moment des repas.
Les personnes âgées vivant en Ehpad sont dépendantes des soins prodigués par le personnel pour répondre à leurs besoins. Si la littérature en gériatrie fait essentiellement état de la prise en charge des besoins médicaux, les études en sociologie soulignent que le bien-être repose aussi sur d’autres types de besoins, non médicaux, par exemple sociaux ou émotionnels. Une étude réalisée dans trois Ehpad examine dans quelle mesure les besoins non médicaux des résidents sont reconnus et pris en charge par les personnels, en faisant un focus sur le temps du repas. Les auteurs ont réalisé des observations participantes dans les établissements, ont procédé à des entretiens semi-directifs avec des employés de restauration, des aides-soignants, des infirmiers, des cuisiniers et des diététiciens et, enfin, pour chaque service, ont organisé des entretiens collectifs avec le personnel.
L’exemple du repas et de ses deux facettes
Les auteurs soulignent tout d’abord la spécificité du repas qui peut être considéré comme un acte de soin, mais aussi comme un acte relationnel et social. Dans la première approche, le repas est considéré comme un acte technique au même titre que les soins de santé ; dans la deuxième, c’est la finalité sociale (qui consiste à passer du temps avec les résidents, s’intéresser à eux et savoir comment ils se sentent) qui prime.
Dans les faits, les données recueillies indiquent que c’est plutôt la vision de l’alimentation comme fonction vitale qui domine. Les auteurs mettent en avant deux paramètres qui participent à cette orientation :
- Les postes, tels qu’ils sont définis au sens strict, semblent plutôt se rallier à la vision fonctionnelle de l’alimentation ;
- Les formations en Ehpad dispensées pour le personnel insistent sur les aspects nutritionnels des repas et il n’existe pas de formation spécifique aux aspects sociaux de l’alimentation.
Aussi, il apparaît que beaucoup de membres du personnel ne se sentent pas responsables des besoins non médicaux, soit parce qu’ils estiment que ce n’est pas leur rôle, soit parce qu’ils ne se sentent pas compétents pour le faire.
Des contraintes organisationnelles et temporelles
Les auteurs soulignent cependant le fait que, lorsque les besoins non médicaux des résidents sont reconnus, le personnel cherche à y répondre dans la mesure du possible. Cependant, les modes organisationnels et le manque de moyens humains et financiers contraignent les membres du personnel dans leur réponse individualisée aux demandes des résidents.
A noter également que les modes d’évaluation du travail valorisent de moins en moins les besoins non médicaux ; les auteurs constatent que l’environnement professionnel valorise quasi exclusivement la sécurité et la bonne santé physique.
Pour conclure, afin d’améliorer la prise en compte des besoins non médicaux des résidents d’Ehpad, les auteurs suggèrent que le personnel soit formé à l’identification et à la prise en charge de ces besoins. Par ailleurs, ils insistent aussi sur la nécessité de faire rentrer la prise en charge de ces besoins dans le processus de planification du temps ou d’organisation des équipes, afin d’éviter le malaise ou le surmenage des personnels qui mettent spontanément en place des actions dans cette direction.
Référence :
GUILLEMOT, S. & DYEN, M. Prendre en charge les besoins non médicaux des personnes âgées dépendantes vivant en collectivité : mécanismes, leviers et freins à l’œuvre dans les temps de repas. Carnets de la Consommation, 2023, 6, doi : 10.48748/RDJC-CE73.