Dénutrition : Les bouchées enrichies adaptées redonnent le plaisir de manger
Pour faire face à la dénutrition de certains de ses patients, un EHPAD a transformé ses plats en petites bouchées enrichies. Retour d’expérience.
Suite aux recommandations de la Haute Autorité de Santé (2007) sur la dénutrition protéino-énergétique et à un dépistage en interne (50 % de résidents dénutris), l’établissement Foyer Notre Dame de Puyraveau a décidé d’améliorer ses pratiques en faisant appel à une diététicienne nutritionniste.
Son premier plan d’actions comprenait la formation du personnel sur l’impact du vieillissement sur l’alimentation et sur les recommandations nutritionnelles du GEM-RCN, ainsi que la mise en place d’un plan alimentaire et de fiches techniques pour améliorer la qualité nutritionnelle des menus. Des protocoles de dépistage de la dénutrition, de stratégies de renutrition et d’outils d’évaluations étaient aussi formalisés.
Constatant la difficulté des soignants à nourrir les résidents présentant des troubles cognitifs et/ou de déglutition, l’établissement a poussé plus loin l’expérimentation : transformer l’alimentation de type texture mixée en bouchées préhensiles («manger main») adaptées aux patients ayant des troubles de la déglutition, de la dentition ou de la préhension. L’objectif était d’obtenir des bouchées de 1,5 à 2 cm3, fermes dans la main mais fondantes en bouche, enrichies mais appétissantes et savoureuses.
Peu de défis techniques pour de nombreux bénéfices
Une adaptation des agents de textures (caroube, agar-agar), de l’enrichissement des bouchées (lait en poudre et protéines riches en leucine) et de leur présentation (moules, couleurs…) a été réalisée. Un accès aux bouchées par les soignants, les résidents et les familles était facilité par leur stockage dans des armoires réfrigérées au sein des unités de vie.
Résultat, les résidents retrouvaient le plaisir de manger seuls, renouaient avec la gourmandise, éprouvaient moins de découragement face aux quantités à ingérer et les repas étaient plus calmes. Le stockage des bouchées dans les armoires réfrigérées en accès libre apportait de la souplesse dans les horaires de prise des repas. Ainsi, les résidents couvraient mieux leurs besoins nutritionnels. Une stabilisation du poids et une reprise pondérale étaient même constatées. Les escarres présentes à l’arrivée dans la structure guérissaient. Par ailleurs, la prise de médicaments liés aux réveils nocturne était diminuée car la consommation nocturne de bouchées favorisait le ré-endormissement. Enfin, la consommation de compléments nutritionnels oraux enrichis en protéines devenait exceptionnelle.
La prévalence de la dénutrition, estimée dans l’établissement à 50 % en 2007 est ainsi passée à 10-12 % en 2010 puis à 6 % en 2015.
Pour les coordinateurs de ce projet, les bouchées enrichies adaptées ont, sans aucun doute, un intérêt dans les autres structures accueillant des personnes âgées dépendantes et dans celles prenant en charge des personnes dépendantes non âgées, ou encore à domicile. Elles sont cependant indissociables d’une démarche pluridisciplinaire volontaire.
Dieuleveut C, Favrelière C, Favreau L. Les bouchées enrichies adaptées, un outil à la portée des établissements sanitaires et médico-sociaux ainsi que des aidants familiaux : retour d’expérience. Nutrition cliniqueetmétabolisme30(2016)158–162. http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0985056216001126