Allergies alimentaires : assouplir le régime des enfants
Le régime alimentaire des enfants avec allergies alimentaires s’est complexifié depuis les directives de 2003/89/CE et de 2007/68/CE. Celles-ci contraignent les industriels à indiquer sur les emballages l’ensemble des ingrédients utilisés dans les recettes dont 14 ingrédients à potentiel allergénique, quelle que soit leur dose. « Les enfants font face à des produits emballés de plus en plus nombreux sur lesquels fleurissent les mentions ″peut contenir des traces d’allergènes″, ″fabriqué dans un atelier contenant de l’arachide″ », explique Martine Drouet. « Si bien qu’ils s’imposent des régimes stricts, sans « traces » autorisées ».
Agir au cas par cas
Plutôt que d’adopter le principe de précaution avec un régime strict pour tous, Martine Drouet propose de régler cette problématique au cas par cas en séparant les individus allergiques hyper-réactifs (en général peu nombreux) des individus non hyper-réactifs (la majorité des cas).
Dans l’étude MANOE, elle a testé la réactivité d’enfants allergiques à de petites doses d’allergènes alimentaires dans 12 services de pédiatrie répartis sur le territoire français.
Il s’agissait de réintroduire 4 petites doses croissantes d’aliments (arachide, lait de vache, blanc d’œuf cuit, blé) chez des enfants présentant une allergie immédiate IgE dépendante.
Les petites doses croissantes étaient réintroduites toutes les 90 minutes. A l’issu du test, il était possible de déterminer la dose seuil tolérée et de prescrire un régime assoupli.
Arachide : 71 enfants tolérants sur 99 allergiques
Dans le cas de l’arachide, les doses testées étaient de 2,9 mg d’arachide (soit 0,5mg de protéines), 15 mg (2,5mg), 44 mg (7,5 mg) et 88 mg (15mg).
Près d’une centaine d’enfants de 1 à 16 ans avec allergie immédiate à l’arachide ont participé à l’étude.
L’analyse de leur alimentation montrait qu’en réalité, seuls 57 enfants étaient sous régime strict. Trente et un étaient sous un régime « compromis », consommant des aliments avec les mentions de précaution « peut contenir des traces » ou « fabriqué dans un atelier contenant de l’arachide » et 11 sous un régime encore plus assoupli contenant de l’huile d’arachide, des traces arachide et des aliments avec les mentions de précaution.
A l’issue du test, 71 enfants étaient tolérants et 28 enfants non tolérants.
Le délai moyen de survenue de réactions après la dernière dose était de 57 minutes. L’ampleur de la réaction n’était pas associée à la dose consommée.
De même, les enfants sous régime strict pouvaient réagir dès les petites doses ou seulement à de grandes doses.
Plus le régime est strict plus le risque d’être non tolérant augmente
« En comparant les enfants tolérants à ceux non tolérants, on voit que le délai entre la réintroduction de petites doses et le dernier accident allergique est de 1,5 ans chez les tolérants et de 4,3 ans chez les non tolérants », remarque Martine Drouet.
Ceci suggère que le régime d’éviction est plus ancien chez les sujets non tolérants. Au contraire, les enfants sous régimes assouplis étaient rarement non tolérants. « Le risque de non tolérance à une réintroduction progressive augmente avec la rigueur du régime », conclut –t-elle.
Les 71 enfants tolérants se sont vus prescrire un régime assoupli (avec « traces » autorisées) mais 52 enfants l’ont réellement adopté. « Malgré la possibilité d’assouplir leur régime, de nombreux patients restent méfiants à l’égard de l’huile d’arachide ».
Dix ont opté pour un régime « compromis » : pas d’huile d’arachide ni de « traces » mais des aliments avec les mentions de précaution. Trois mois après, seuls 3 enfants ont présenté une réaction après consommation de « traces ».
Les mêmes tests ont été réalisés pour le lait de vache et le blanc d’œuf cuit.
Les résultats montrent un faible pourcentage d’enfants hyper-réactifs : 17 % pour le lait de vache et 22 % pour le blanc d’œuf cuit. Au contraire, 82,9 % des enfants étaient tolérants à la réintroduction des petites doses de lait de vache (jusqu’à 1 ml) et 77,9 % des enfants étaient tolérants à celle des blancs d’œufs cuits (jusqu’à 1 g). « Ceci ne justifie donc pas que l’on mette toute une population d’allergiques aux régimes stricts », affirme M. Drouet.
Pour la scientifique, il est impératif d’assouplir le régime alimentaire des enfants allergiques puisque l’on voit que 71.7 % des enfants allergiques à l’arachide, 82.9 % des enfants allergiques au lait de vache et 77.9 % des enfants allergiques au blanc d’œuf cuit, sont tolérants à leur réintroduction à petites doses.
Est-il possible d’assouplir le régime alimentaire d’enfants allergiques : exemple de consommation de traces d’allergènes. Programme MANOE. Martine Drouet. Journées Francophones de Nutrition. 13-15 Décembre 2017. www.lesjfn.fr
Intervention de Martine Drouet – Journées Francophones de Nutrition, Nantes 13-15 décembre 2017 www.lesjfn.fr .