Sarcopénie : Diminution de la force et masse musculaire
Sarcopénie : Définition
Le terme de sarcopénie a vu le jour en 1988. À l’origine, il faisait seulement référence à une perte de masse musculaire (fonte musculaire) liée à l’âge. Cette définition a aujourd’hui évolué : la sarcopénie se définit par l’association de deux paramètres : une réduction de la force des muscles et une réduction de la masse musculaire. Par ailleurs, elle n’est plus associée uniquement au vieillissement, mais s’étend aux pathologies chroniques, aux situations d’inactivité, de perte de mobilité ou encore de malnutrition. On parle de sarcopénie primaire quand elle est rencontrée chez la personne âgée, en dehors de tout problème de santé, et de sarcopénie secondaire lorsqu’elle survient comme complication d’une autre pathologie. La sarcopénie doit être distinguée de la cachexie qui associe à la perte de muscle une perte de poids et une anorexie. À noter enfin que la sarcopénie fait partie des critères phénotypiques qui permettent de réaliser un diagnostic de dénutrition chez les personnes âgées de plus de 70 ans.
La prévalence de la sarcopénie dépend des populations, des définitions et des seuils utilisés. Si l’on considère les critères et seuils définis par le Groupe de travail européen sur la sarcopénie chez les personnes âgées (European Working Group on Sarcopenia in Older People), cette prévalence serait autour de 7 % chez les plus de 65 ans. Chez les plus de 80 ans, la sarcopénie pourrait concerner jusqu’à 50 % des personnes.
Symptômes et stades de la sarcopénie
La réduction de la force musculaire est souvent la première manifestation clinique de la sarcopénie. Les personnes atteintes de sarcopénie peuvent signaler en premier lieu des difficultés à accomplir des tâches quotidiennes, telles que soulever ou porter des charges. Une fatigue et un manque d’endurance peuvent aussi être rapportés. Les personnes souffrant de sarcopénie ressentent par exemple des difficultés à accomplir des tâches qui ne posaient pas de problème auparavant, telles que la marche, la montée d’escaliers ou encore la tenue prolongée de la position debout.
Des critères de sévérité de la sarcopénie ont été proposés :
- Lorsque la personne présente une réduction de la masse musculaire, sans impact significatif sur la force ou la performance physique, on peut parler de sarcopénie précoce ou de présarcopénie. À ce stade, aucun symptôme fonctionnel n’est observé ;
- La sarcopénie à proprement parler correspond à une diminution de la masse musculaire, conjointement à une baisse de la force ou de la performance musculaire ;
- Enfin, lorsque la diminution de la masse musculaire est associée à la fois à une baisse de la force et des performances musculaires, on parle de sarcopénie sévère.
Évaluer et diagnostiquer la sarcopénie
Le diagnostic de la sarcopénie repose sur la détermination de la masse musculaire et de la force musculaire ou de la performance musculaire.
Le questionnaire SARC-F
Un diagnostic préliminaire de la sarcopénie peut être réalisé avec le questionnaire SARC-F (Strength, Assistance, Rising, Climbing, Falls) qui se compose de 5 questions sur la force, les troubles de la marche, les difficultés que le patient peut avoir en se levant de sa chaise, les difficultés rencontrées pour monter dix marches et le nombre de chutes dans les 12 derniers mois. Pour chaque question, un score est calculé allant de 0 à 2. Un score total supérieur à quatre est en faveur du diagnostic de sarcopénie.
À noter que le SARC-F est surtout fiable pour dépister l’absence de sarcopénie et n’a donc pas toutes les caractéristiques pour en faire un bon test de dépistage.
Les mesures de masse
- Les mesures anthropométriques (en particulier la mesure de la circonférence du mollet) sont parfois utilisées, mais elles sont insuffisamment corrélées à la masse musculaire totale ;
- L’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) permet une estimation plus précise de la masse musculaire ;
- L’ostéodensitométrie ou absorptiométrie biphotonique (DEXA) est actuellement l’outil de référence pour l’évaluation de la composition corporelle totale, permettant à la fois une mesure du compartiment musculaire, graisseux et osseux.
- L’impédancemétrie ou BIA, moins couteuse que la DEXA est aussi utilisée.
Les tests de force
- La force musculaire est le plus souvent déterminée par la force de préhension mesurée par un dynamomètre (Handgrip). Une faible force de préhension est associée à un risque élevé de sarcopénie.
- Le test de lever de chaise consiste à mesurer le temps nécessaire pour se lever d’une chaise et s’y asseoir plusieurs fois (généralement 5). Un temps de réalisation long indique une faiblesse musculaire des membres inférieurs.
Les tests de performances physiques
Les plus utilisés sont les suivants :
- La vitesse de marche mesurée sur 4 mètres.
- Le test Time Up and Go (TUG) mesure le temps nécessaire pour se lever d’une chaise et marcher sur 3 mètres puis faire demi-tour et s’asseoir.
- Une batterie de tests physiques combinant l’équilibre, la vitesse de marche et le test de lever de chaise est aussi utilisée pour mesurer la performance musculaire.
Sarcopénie : Les causes et facteurs de développement
L’âge
L’évolution de l’âge est naturellement associée à une diminution de la masse musculaire, en particulier en raison de modifications hormonales et métaboliques. Ces changements contribuent à une diminution progressive de la synthèse des protéines musculaires (anabolisme) et à un moindre contrôle de leur dégradation (catabolisme). En particulier, le vieillissement s’accompagne d’une moindre réponse anabolique à la prise alimentaire : la capacité de réponse de la synthèse protéique à différents facteurs nutritionnels (protéines alimentaires, insuline) est altérée avec l’âge.
Le vieillissement affecte aussi les performances du système neuromusculaire, limitant la stimulation des muscles et contribuant ainsi à la perte de force et de volume musculaires.
Chez les seniors, on observe aussi souvent une légère inflammation systémique persistante (inflammation chronique de bas grade) liée à l’âge qui contribue à la dégradation musculaire et favorise le risque de développement de la sarcopénie.
Le mode de vie
De nombreux autres facteurs de risque de la sarcopénie ont été mis en évidence dans la littérature scientifique :
- l’inactivité physique et un mode de vie sédentaire sont des facteurs de risque majeurs, car ils accélèrent la perte musculaire et réduisent la capacité des muscles à se régénérer. La pratique régulière de l’exercice physique est reconnue comme étant le meilleur moyen de préserver la masse et la fonction musculaires au cours du vieillissement. A contrario, une période d’hospitalisation ou d’immobilisation (liée à une fracture, chirurgie, ou maladie), même courte, peut conduire à une perte rapide de masse et de force musculaire chez la personne âgée, accélérant ainsi la progression vers la sarcopénie ;
- une alimentation / nutrition non adaptée est aussi reconnue comme un élément favorisant l’apparition de la sarcopénie, en particulier :
- un apport insuffisant en protéines ;
- une carence en vitamine D (il existe des récepteurs à la vitamine D dans le muscle et les grandes carences en vitamine D sont associées à une diminution de la force musculaire) ;
- des carences en calcium ou en vitamine B12.
- Le tabagisme et la consommation excessive d’alcool augmentent le stress oxydatif et l’inflammation, qui sont liés à la dégradation musculaire.
Les maladies chroniques
Les maladies chroniques telles que le diabète de type 2, l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance rénale, et les maladies pulmonaires augmentent le risque de sarcopénie, souvent en raison de leur impact sur le métabolisme, les niveaux d’inflammation, et la capacité à rester actif.
Le syndrome métabolique, la résistance à l’insuline et l’obésité sont aussi associés à la perte musculaire. Depuis quelques années, un nouveau concept, celui de l’obésité sarcopénique, a d’ailleurs été introduit pour décrire la concomitance d’un excès de masse grasse et d’une réduction de la masse et/ou de la fonction musculaires. Les données de la recherche suggèrent que l’obésité sarcopénique peut être associée à un grand nombre de troubles métaboliques et à un risque accru de mortalité, puisque ces deux conditions agissent en synergie.
Les facteurs génétiques
Enfin, l’hérédité joue aussi un rôle dans l’apparition de la sarcopénie, certains gènes influençant par exemple la vitesse de la perte musculaire.
Quelles sont les conséquences de la sarcopénie ?
La sarcopénie entraîne une réduction de la force et de la fonction musculaires, rendant les activités quotidiennes plus difficiles à réaliser. Ce potentiel handicap fonctionnel peut entraîner une diminution de l’équilibre et augmenter ainsi le risque de chutes et de blessures. Des données récentes mettent en avant un risque de chutes multiplié par 2 en cas de diminution concomitante de la masse et de la fonction musculaires. Ce risque accru de chutes est aussi lié à une augmentation du risque de fracture et d’hospitalisation.
Aussi, la sarcopénie est un facteur de risque fortement associé à l’apparition d’une dépendance. En effet, les personnes atteintes peuvent devenir dépendantes pour accomplir des tâches essentielles du quotidien, comme l’hygiène personnelle, le ménage ou les courses. Cette perte d’autonomie a un impact direct sur le bien-être psychologique et la santé mentale d’une façon générale, pouvant conduire à un isolement social. D’une façon générale, la sarcopénie est associée à une baisse de la qualité de vie.
Les modifications métaboliques associées à la sarcopénie ont des impacts importants sur la morbidité. Les risques d’ostéoporose, de dyslipidémie, le risque cardiovasculaire, de syndrome métabolique ou encore d’immunosuppression sont nettement accrus chez les sujets âgés atteints de sarcopénie.
Enfin, la sarcopénie est associée à une augmentation significative de la mortalité, particulièrement en raison du développement ou de l’aggravation d’autres pathologies.
Traiter la sarcopénie
Les deux piliers du traitement et de la prise en charge de la sarcopénie sont l’exercice physique et l’alimentation.
L’activité physique
Idéalement, un programme d’entrainement physique doit combiner travail de résistance et travail aérobie :
- Les exercices contre résistance sont les plus efficaces pour prévenir et lutter contre la fonte musculaire et la sarcopénie. Les exercices de renforcement musculaire contre résistance (soulèvement de poids ou utilisation de bandes de résistance) doivent être adaptés aux capacités physiques de chacun et évoluer de façon progressive.
- Les exercices d’endurance (aérobie) permettent d’améliorer les capacités cardiovasculaires, l’endurance, ainsi que de diminuer la masse grasse.
Une activité physique régulière et adaptée, au minimum deux fois par semaine est nécessaire pour maintenir, voire augmenter la force musculaire des patients, même s’ils sont particulièrement fragiles.
L’alimentation et la nutrition
Dans la sarcopénie du patient âgé, les apports protéiques recommandés journaliers doivent être augmentés au-delà de 65 ans de 0,8 g de protéines par kg de poids corporel et par jour, à 1 – 1.2 g/kg/j (voire même jusqu’à 1,5 g/kg/j en cas de dénutrition). Les sources de protéines de haute qualité incluent la viande maigre, le poisson, les œufs, les produits laitiers, ainsi que les protéines végétales : céréales et légumineuses. Une supplémentation protéique en acides aminés essentiels (en particulier en leucine) peut parfois avoir des effets bénéfiques sur la masse musculaire.
D’autres aspects de la nutrition sont aussi à prendre en compte pour lutter contre la dystrophie musculaire liée à l’âge :
- La vitamine D est souvent déficiente chez les seniors. Elle joue un rôle important en particulier dans la synthèse protéique postprandiale et le maintien de la masse musculaire ;
- Les acides gras oméga-3 et acides gras monoinsaturés contribuent à réduire l’insulinorésistance et la lipotoxicité, préviennent l’augmentation de la masse grasse et améliorent l’anabolisme protéique, la masse et la fonction musculaire.
Prévenir et surveiller
Une surveillance médicale régulière par un professionnel de santé permet d’aider à prévenir la sarcopénie, d’évaluer sa progression et d’ajuster les interventions si nécessaire, en termes d’apports nutritionnels et d’activités physiques. Des consultations régulières permettent également de surveiller l’état de santé général et l’évolution d’éventuelles maladies associées.
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