Cachexie : Les origines (cancer et autres pathologies)
Cachexie : Définition du syndrome
La cachexie est un syndrome multifactoriel complexe caractérisé par un amaigrissement important par perte involontaire de la masse musculaire (fonte musculaire), avec ou sans perte de masse grasse. Elle est associée à une ou plusieurs maladies chroniques sous-jacentes, souvent un cancer ; on parle alors de cachexie cancéreuse.
La prévalence de la cachexie cancéreuse varie en fonction du stade du cancer (environ 40% au moment du diagnostic et jusqu’à 70-80 % dans les phases avancées) et de la localisation de la tumeur : les cancers les plus à risque de cachexie sont les cancers du pancréas et de l’estomac, puis ceux du poumon, de la prostate et du colon.
La cachexie peut aussi être associée à d’autres types de pathologies : insuffisance rénale ou cardiaque, maladie neurologique ou rhumatologique, broncho-pneumopathie chronique obstructive, syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA) ou encore tuberculose.
La cachexie est donc la conséquence d’une interaction complexe entre une maladie sous-jacente, des composantes inflammatoires, des modifications métaboliques et une diminution des apports nutritionnels. Elle s’accompagne d’un ensemble de désordres fonctionnels et comportementaux, tels que l’anorexie ou encore la dépression.
La dénutrition fait partie du tableau clinique de la cachexie, mais un support nutritionnel seul ne peut pas traiter la cachexie. À noter qu’un patient dénutri n’est pas forcément cachectique, par contre un patient cachectique est toujours dans un état de dénutrition.
Causes principales de la cachexie
L’origine primaire de la cachexie n’est pas la baisse de l’apport calorique ou l’anorexie. Les composantes causales de la cachexie sont multiples : métaboliques, inflammatoires ou encore neuroendocrines. Ces différentes composantes agissent conjointement pour affecter de nombreux organes (cf. figure 1).
L’hypercatabolisme est une caractéristique centrale de la cachexie, entraînant une dégradation musculaire (protéolyse) et une fréquente dégradation lipidique (lipolyse).
L’inflammation joue un rôle majeur dans la pathogénèse de la cachexie, agissant via des cytokines pro-inflammatoires produites en excès en cas de maladie chronique. Les cytokines activent les voies de dégradation musculaire ; elles augmentent également la dépense énergétique, souvent au-delà des apports nutritionnels. Les cytokines ont un rôle également dans l’apparition de l’anorexie : elles agissent sur l’hypothalamus pour perturber la régulation de l’appétit via la leptine et d’autres médiateurs, entraînant ainsi une diminution de la prise alimentaire.
Le déséquilibre entre anabolisme et catabolisme dans la cachexie résulte donc d’un enchevêtrement complexe de processus inflammatoires, hormonaux et métaboliques. Ces différents mécanismes ne fonctionnent en effet pas isolément : l’inflammation chronique induit l’hypercatabolisme en stimulant les voies de protéolyse et lipolyse, les anomalies hormonales et métaboliques aggravent à la fois l’anorexie et l’incapacité à reconstruire les tissus. Enfin, l’hypermétabolisme et l’inefficacité mitochondriale créent un cercle vicieux, où l’énergie est consommée en excès sans être efficacement stockée ou utilisée pour l’anabolisme.
Identifier l’état de cachexie : quels symptômes ?
En fonction de la gravité des symptômes, trois stades d’évolution de la cachexie (en particulier cancéreuse) ont été proposés :
1. Des symptômes tels que l’anorexie, l’intolérance au glucose ou encore une perte de poids non intentionnelle, inférieure à 5 % du poids habituel au cours des 6 derniers mois font suspecter la progression de la maladie vers une cachexie, on parle alors de pré-cachexie.
2. La cachexie à proprement parler correspond à :
- une perte de poids de plus de 5 % en 6 mois,
- ou un Indice de Masse Corporelle inférieur à 20 kg/m² accompagné d’une perte de poids de plus de 2 %,
- ou une sarcopénie accompagnée d’une perte de poids de plus de 2 %, auxquels s’ajoute une perte d’appétit et une inflammation systémique.
3. La cachexie peut être qualifiée de réfractaire chez les patients en phase avancée de cancer, avec une espérance de vie inférieure à 3 mois.
L’expression clinique de la maladie est très variable et l’enchaînement chronologique des différents événements assez mal connu.
Les atteintes musculaires seraient relativement tardives et fortement dépendantes de l’altération des autres tissus notamment le système immunitaire, le cerveau, et le tissu adipeux, qui seraient impliqués dans les phases de pré-cachexie.
La cachexie est associée à :
- une diminution significative de la qualité de vie,
- une altération de la tolérance aux traitements (ex. : chimiothérapie),
- une augmentation des complications postopératoires et des infections,
- une mortalité accrue, en particulier dans les maladies avancées.
Traitements et prise en charge de la cachexie
Le traitement de la cachexie passe avant tout par celui de la maladie chronique sous-jacente : cancer, maladie inflammatoire ou encore insuffisance d’organe.
S’il n’existe pas de thérapie réellement efficace de la cachexie, il est désormais établi que la prise en charge doit être multimodale, avec pour objectif l’augmentation de l’appétit, une prise de poids, un regain de masse et de force musculaires, une diminution de l’inflammation et une augmentation de la qualité de vie. Ce type de prise en charge implique en particulier :
- des thérapies ciblées anaboliques, anticataboliques et anti-inflammatoires,
- des approches nutritionnelles et pharmacologiques de l’anorexie,
- des protocoles d’exercice physique visant à contenir la fonte musculaire,
- un suivi psychosocial adapté.
La stratégie nutritionnelle consiste principalement en une consommation calorique et des apports nutritionnels adaptés à l’âge, la corpulence et le niveau d’activité physique du patient. En fonction des cas, le régime peut être enrichi en calories et protéines ou des compléments nutritionnels oraux peuvent être préconisés.
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